vendredi 14 mars 2014

La politique de tarification des Centres de petite enfance est-elle équitable pour tous ?



Vous avez sans doute entendu parler à la suite du dernier budget provincial, que la tarification des garderies subventionnées passerait de 7 à 8$ en septembre 2014. Suite à cette nouvelle plusieurs se sont opposés à cette décision dont les chefs d’opposition ainsi que les syndicats. Ont-ils raisons de protester contre cette mesure ? La tarification actuelle est-elle optimale pour l’ensemble de notre société ? C’est ce que nous tenterons d’évaluer dans ce billet.
Le programme de garderie  subventionnée tel qu’on le connait a été mis en place en 1997. À l’époque, le tarif était de 5 $ par jour. L’instauration de ce programme visait deux objectifs principaux soit :

  • Faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles

  • Favoriser le développement psycho-éducatif et cognitif des enfants ainsi que l’égalité des chances

En 1997, le nombre place dans les garderies à 5 $ était d’environ 75 000. Il y a par contre eu une évolution fulgurante au cours des années puisqu’au 31 mars 2013, on comptait maintenant plus de 256 000 places. Au départ, les familles qui profitaient de ce programme payaient seulement 13.4% de l’ensemble du coût complet moyen pour une place en garderie. C’est donc dire que près de 87 % des coûts étaient assumés par l’état et en quelque sorte facturés à l’ensemble de la population par le biais des impôts. En 2004, l’état a tenté de réduire sa part en augmentant les tarifs à 7 $. Cette mesure a fonctionnée pendant quelque temps puisque la part des clients a augmentée à 17 % pour les deux années subséquentes, mais on constate une tendance à la baisse par la suite puisqu’en 2007-2008 la part des clients était maintenant de 16 %.

Est-ce vraiment équitable ?
Le programme des garderies à contribution réduite permet à une famille, quel que soit son revenu, d’envoyer son enfant à la garderie à tarif très avantageux, puisqu’elle pait moins du quart du coût complet du service.
En 2008, les familles qui bénéficiaient de ce programme, ont indirectement profité de subventions de l’état de 9 351 $ par ménage peu importe le revenu gagné dans l’année.  C’est donc dire qu’une famille ayant eu un revenu de 250 000 $ au cours de l’année a bénéficié des mêmes subventions qu’une famille ayant eu un revenu familiale de 40 000 $.
De plus, les familles qui n’ont pu bénéficier de ce programme ont seulement reçu en moyenne un crédit d’impôt de 1342 $ par ménage. Il est donc légitime de se questionner sur l’efficience et l’équité de cette tarification.



Atteinte des objectifs ?
Revenons sur les deux objectifs qui avaient été établis à l’instauration de ce programme qui était de favoriser la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles ainsi que favoriser le développement psycho-éducatif et cognitifs des enfants ainsi que l’égalité des chances. Est-ce que le programme a vraiment atteint ces objectifs ? Selon moi en partie, puisque oui il a permis à de nombreuses familles de concilier plus facilement les responsabilités parentales et professionnels et oui ce programme a permis de développer davantage l’enfant, mais par contre, je crois qu’avec un encadrement adéquat, les garderies privées auraient très bien pu s’en charger et cela couterait sans doute beaucoup moins chère à l’ensemble de la population.
De plus, l’hors de la mise en place de ce programme, on mettait l’accent sur l’équité de celui-ci puisqu’il permettait aux familles à faibles revenus d’avoir accès à des services de gardes à tarif réduits. Encore une fois, on peut dire que c’est en partie vrai puisque en fait, bien qu’il donne l’accès à des services de garde aux familles à faibles revenus, ce programme permet aussi aux familles riches d’avoir accès aux mêmes services tout en ne payant pas le coût complet alors qu’elles en ont largement les moyens.

Suggestion pour un programme de garderie plus équitable et moins couteux
Comme le mentionne le groupe de travail sur la tarification des services publique, le programme des garderies à contribution réduite représente l’exemple parfait d’une politique publique dont le coût a été très mal évalué lors de sa mise en place.
Selon moi, la tarification devrait représenter le coût complet du service offert et les crédits d’impôts devraient être octroyés aux familles en fonction de leurs revenus. Pour les familles ayant un revenu très faible les crédits pourraient aller jusqu’à rembourser la quasi-totalité des frais de garde alors que pour les familles ayant un revenu largement supérieur à la moyenne, ceux-ci n’auraient peu ou pas de crédit d’impôts. Les crédits pourraient être remboursés mensuellement pour les familles à revenu faible afin que celles-ci ne s’endettent pas au cours de l’année.
Je crois qu’un système de ce genre serait bénéfique pour l’ensemble de la société puisqu’il en coûterait beaucoup moins chère étant donné que les familles à haut revenu ne paieraient plus seulement 7 $ mais bien le coût complet du service. De cette manière, l’état n’aurait plus à assumer 87 % des coûts du programme.
Aussi, en plus d’être plus équitable, ce système permettrait d’atteindre les objectifs établis lors de la création du programme des garderies à contribution réduite. Il faudrait simplement appliquer une réglementation adéquate dont les garderies se devraient de suivre pour le développement des enfants.
Enfin, je crois qu’en modifiant le programme, on ne perdrait pas les externalités positives reliées à l’augmentation des naissances du programme présentement en place étant donné qu’il serait encore plus avantageux pour les familles à revenus modestes puisqu’avec les crédits d’impôts, plusieurs d’entre elles paieraient encore moins que 7 $.
Je pense qu’il faut admettre en tant que société qu’on a plus les moyens de se payer des programmes sociaux de ce type étant donné l’endettement substantiel du Québec. Personnellement, ayant présentement deux enfants en garderie en milieu familial subventionnée, je paierais volontiers le juste prix pour ce service. En autant que j’ais les crédits d’impôts appropriés qu’ils me reviennent à la fin de l’année et moins d’impôt prélevés sur mon chèque de paie !

Sources :




4 commentaires:

  1. Sujet intéressant! Je suis absolument d'accord avec toi lorsque tu nuances ton propos en disant qu'il ne faut pas perdre de vue les retombées bénéfiques relatives à la natalité. J'ai cru comprendre que c'est un problème actuel au Québec et c'est en partie ce qui a dû motiver l'instauration de ces tarifs avantageux en garderie. De telles subventions servent le Québec dans sa globalité et un bon indice de natalité est essentiel sur le long terme (cf Chine et Inde), c'est bien plus important que quelques conditions financières à court terme.
    Concernant, une éventuelle tarification échellonée, je suis également de ton avis, l'égalitarisme affiché se traduit plutôt par une inégalité. En définitive, l'accès est le même pour tous mais l'impact financier diffère. Cependant, l'élaboration d'une grille tarifaire indexée sur les revenus des parents risquent de créer de nouvelles inégalités. Par exemple, si les deux parents travaillent, le revenu familial sera plus élevé, augmenter les tarifs peut donc porter atteinte à la conciliation travail/famille, premier objectif de la tarification.

    Difficile donc d'avancer sans reculer ou inversement. Même si des améliorations sont possibles, la solution politique la plus simple est d'augmenter graduellement les tarifs jusqu'a ce qu'un réel remodelage du système s'impose.

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  2. Je suis également de votre avis quant à l'élément important à considérer qui est de ne pas perdre de vue les retombées bénéfiques relatives à la natalité. Les naissances sont d'une grande importance étant donné le déséquilibre à venir entre les travailleurs et les retraités en grande partie dues au vieillissement de la population et au faible taux de natalité depuis quelques décennies.

    Concernant, une éventuelle tarification échelonnée, je suis d'un autre avis. L'intervention de l'état directement dans la rémunération des garderies encourage l'abus du système par ces derniers et diminue la qualité des services offerts. C'est un peu la crainte que la population a envers la gratuité des frais de scolarité, la dégradation de la qualité de l'éducation offerte et des services connexes.

    Lorsque l'on parle qu'une riche famille paie peu cher pour envoyer garder ces enfants, elle paie tout de même le même prix que les autres utilisateurs. Lorsqu'elle va au même restaurant du coin qu'une autre personne, elle a droit à ce service au même tarif. Quant à moi, le Québec a son outil de prédilection pour justement équilibrer les iniquités : les impôts.

    Une famille riche va contribuer financièrement à un niveau supérieur à la société par le biais des impôts à payer. Alors, pourquoi ne pas instaurer, tout simplement, un « super crédit pour service de garde pour les familles à faible revenu » et laisser ces garderies gérer leur offre de services et leurs tarifs?

    Tout comme mon confrère Gour l'a indiqué, augmenter les tarifs peut, à mon avis, porter atteinte à la conciliation travail-famille, ce qui est très néfaste pour la santé de notre population qui a déjà bien de la misère à vivre sa vie. Cela pourrait d'ailleurs encourager une stratification des différentes classes de la société. En effet, pourquoi une famille riche ne paierait pas pour obtenir de meilleurs services de garde pour ses enfants, avoir des volets éducatifs supérieurs ou d'autres formes d'incitatifs?

    Ainsi, les répercutions de chacune des décisions dans ce volet sont à considérer avec beaucoup d'attention. À mon avis, les naissances au pays devraient être encouragées et il ne devrait pas y avoir d'inégalité dans le traitement des enfants. L'important, c'est de favoriser le développement des jeunes pour assurer un meilleur avenir et cela ne doit pas être mis à péril par des décisions mal considérées visant à retrouver l'équilibre social entre les pauvres et les riches. Déjà que l'on semble trop souvent caractérisé les riches par des personnes qui ont un revenu légèrement au-dessus de la moyenne, tel que les paliers d'imposition semblent également l'indiquer. Encourageons la population à travailler, à s'éduquer et à bien concilier le tout pour assurer un bel avenir à notre société.

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  3. Bonjour Étienne! Merci pour ton article. Je suis tout à fait d’accord avec toi lorsque tu mentionnes que la tarification devrait représenter le coût complet du service offert et des crédits d’impôts devraient par la suite être octroyés aux familles en fonction de leurs revenus. Tout comme toi, je pense qu’il faut admettre qu'en tant que société, on n'a plus les moyens de se payer des programmes sociaux de ce type étant donné l’endettement substantiel du Québec. Je lisais d’ailleurs un premier article sur La Presse à ce sujet, et selon la ministre de la Famille, madame Nicole Léger, il semblerait qu’en date du 5 décembre 2013, il était hors de question que le gouvernement Marois renie l’un de ses engagements électoraux pour regarnir les coffres de l’État, et ce, même si la situation des finances publiques du Québec est précaire. À l’inverse, le PLQ affirme que la règle d’indexation doit s’appliquer (en fonction du coût de la vie), alors que la CAQ croit que l’augmentation du tarif devrait se faire en suivant le taux d’inflation (source : http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/politique-quebecoise/201312/05/01-4717918-le-tarif-des-centres-de-la-petite-enfance-restera-a-7-assure-nicole-leger.php). « Quand le budget de la province est déficitaire, que des compressions sont imposées dans tous les secteurs et que la qualité des services risque d'être compromise dans les garderies, la logique commanderait de relever la contribution des parents, bloquée à 7 $ par jour depuis 10 ans. Pas au Québec où les intérêts électoraux passent avant la qualité et la pérennité des services de garde » (source : http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201401/31/01-4734526-intouchables-places-a-7-.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4740913_article_POS2).

    Comme le mentionne Étienne dans son article, les garderies à 7 $ présentent certains avantages. En effet, elles ont favorisé une plus grande participation des femmes au marché du travail et facilitent grandement la conciliation travail-famille, en plus d’offrir un milieu sécuritaire et stimulant aux jeunes enfants qu’importe leur classe sociale. Mais je continue toutefois de penser que même si l’ensemble de la société en profite, elle n’a cependant pas à assumer 87 % de la facture de gardiennage de toutes les familles. Les taxes et les impôts remplissent plusieurs autres missions, notamment en santé, en éducation, en environnement, en transport, etc. (source : http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201401/31/01-4734526-intouchables-places-a-7-.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4740913_article_POS2).

    Puis, je suis tombée sur un second article (daté du 20 février 2014), lequel mentionnait que le gouvernement allait procéder au dégel du tarif des services de garde subventionnés dès septembre, faisant passer celui-ci de 7 à 8 $. L’année suivante, les parents devront payer 9 $ alors qu’à partir de 2016, c’est l’indexation qui fera grimper les prix. Donc bonne nouvelle, à partir de 2016 et pour les années suivantes, c’est un taux d’indexation basé sur le revenu disponible par habitant qui guidera l’augmentation. Avec cette première augmentation, la part que paie les parents sera désormais de 16 % (au lieu de 13 % comme le mentionnait Étienne dans son article), et celle du gouvernement sera de 84 % (au lieu de 87 %), ce qui ne représente pas une grande augmentation somme toute (source : http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201402/20/01-4740913-garderies-a-8-des-septembre.php).

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    1. Bonjour et merci pour les commentaires, je m’attendais à ce que ce billet fasse réagir étant donné qu’il s’agit d’un sujet d’actualité.

      Pour répondre un peu à vos propos dont notamment les externalités positives que créer le programme actuel qui ont été mentionné par Jordan et Mathieu. J’aimerais seulement mentionner qu’on ne peut attribuer l’augmentation des naissances seulement au programme. En fait, il est très difficile de quantifier l’effet bénéfique qu’a eu le programme à ce sujet. Comme il est mentionné dans le rapport du «Groupe de travail sur la tarification des services publiques», la décision d’avoir un enfant fait intervenir divers facteurs qui peuvent la plupart du temps n’avoir aucun lien avec le programme des garderies.

      Je pourrais même dire par expérience, que je n’ai pas pensé une seconde au programme de garderie lorsqu’il a été le temps de prendre la décision d’avoir des enfants.
      J’ai aussi de la difficulté à comprendre ce que tu veux dire Jordan lorsque tu mentionnes qu’il y a des externalités positives (augmentation des naissances) mais que par la suite tu dis que l’État ne devrait pas intervenir dans la tarification. Le programme en place est pourtant une intervention de l’état puisqu’on paie 87 % par le biais des impôts.

      Par contre, je suis tout-à-fait d’accord avec toi lorsque tu mentionnes que l’outil de prédilection de l’état pour rétablir les iniquités est les impôts. Ça revient à ce que je disais dans mon billet, les gens devraient payer le coût complet du service et les moins riches recevraient des crédits d’impôts importants à tous les mois. De cette manière, je ne vois pas pourquoi on perdrait les externalités positives du programme actuel.

      Pour finir, je ne crois pas que le programme actuel ou ma proposition de programme nuit à la conciliation travail/famille, au contraire comme l’a mentionné Stéphanie cela permet à de nombreuse femmes de retourner sur le marché du travail alors que par le passé elles étaient souvent obligé de rester à la maison puisqu’il n’y avait pas de place en garderie ou que cela était trop dispendieux.

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